Charlotte Sophie Bentinck - Louis-Robert de Saint-Victor - 1788-11-30

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Charlotte Sophie van Aldenburg Bentinck, Hamburg

Charlotte Sophie Bentinck - Louis-Robert de Saint-Victor - 1788-11-30
FINA IDUnique ID of the page  3984
InstitutionName of Institution. Arnhem, Gelders Archief
InventoryInventory number. Familienarchief (van Aldenburg) Bentinck, 968_0021-0026
AuthorAuthor of the document. Charlotte Sophie van Aldenburg Bentinck
RecipientRecipient of the correspondence. Louis-Robert de Saint-Victor
Correspondence dateDate when the correspondence was written: day - month - year . November 30, 1788
PlacePlace of publication of the book, composition of the document or institution. Hamburg 53° 33' 1.22" N, 10° 0' 2.34" E
Associated personsNames of Persons who are mentioned in the annotation. Louis Jobert, Johann Joachim Winckelmann, Anne-Claude de Caylus, Joseph Pellerin
LiteratureReference to literature. Jobert 16921, Williams 2018, p. 140-142.2
KeywordNumismatic Keywords  Roman , Collection , Greek , Book , Woman , Catalogue
LanguageLanguage of the correspondence French
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Grand documentOriginal passage from the "Grand document".

[0022; f. 1v] Entreprendre après cela, Monsieur, de repondre à cette lettre, qui me confond, n’est en verité pas une chose aisée, et j’en sens en ce moment l’enorme difficulté. Il vous a plû, par une vivacité d’imagination, que nous autres froids allmands concevons à paine, mettre un merveilleux à la composition de mon mauvais catalogue, qui n’est, en realité, qu’une operation simple, et n’ayant requis, que de la patience et du gout pour ces objets. Je vous assure, Monsieur, non pour faire la modeste, ou pour pomper de nouveaux compliments, que je n’ay nulle idée, ny du latin, ny du grec; que celle, que la longue attention, que j’ay dû faire aux inscriptions des medailles, m’ont rendu locales. Ma première jeunesse a été sujette à des vives amertumes. J’ay passé le meilleur tems de ma vie, de 20 ans jusqu’à 32 ou 33 ans, dans le fond d’assez belle terres, mais rongée de chagrins, m’éloignant volontiers de la société, que j’aimais naturellement. On me conseilla, de m’occuper de medailles antiques. J’y repugnois! On me donna sept ou huit Empereurs en bronze; on exigea seulement de moy, d’en completter, la douzaine. J’etablis pour cela une petite correspondance à Hamburg. Je reussis; je m’accoquinai; j’en voulus davantage; je me donnai le pére Jobert; Science de Medailles; le hazard me fit acquerir quelques douzaines de morceaux à une auction; parmi lesquelles je trouvai deux ou 3. vraiment belles Grecques. Elles me tournoient la tête; [f. 2r] je me souviens, entre autre, que passionnée uniquement alors, pour le Dramatique François; je croyois mener Cesar et sa fortune, en me trouvant en possession de la tête de la mechante Cleopatre, belle mère de la tout aussi mechante Rodogune. De ce moment, Monsieur, la passion s’en mêla, et vous connoissez le train, dont elle fait aller; sur tout quand quelques gouttes de sang françois eperonnent le flegme germanique. Les difficultés animent! J’en trouvai beaucoup à me procurer et des medailles, et même à comprendre, quels livres me seroient necessaires. Enfin j’eus des hazards heureux de façon, que l’âge de 30. ans, je me trouvai dame souveraine, d’autour de 2500. medailles imperiales et consulaires. Je me croyois un Croesus. Mes affaires m’appelèrent, pour mes peches, à diverses cours. Je quittai en soupirant, je perdis de vuë mes empereurs romains, pour l’antichambre moderne de souverains, mes contemporains, qui ne m’inspiroient rien de semblable. Enfin la même chaine des circonstances me conduirit à Leipzig, ou residoit une Duchesse de Courlande, tante de me mère; c’est là, que je me depiquai, des malices de l’etoile, et que je repris, avec delice, mon gout favori. J’y fis une connoissance et liaison particulière avec les deux plus grands antiquaires et numismatiques de l’Allemagne alors, [00023; f. 2v] le Professeur Christ, et le Bibliothecaire et Cr de Cour Richter à la tête du Cabinet du P. Electorat de Sàxe. J’eus même la bonne fortune, de contribuer à y découvrir, le depuis si celebre Winckelman, enseveli encore dans l’obscurité; j’en fis aviser ces messieurs, qui l’ignorirent, et qui l’ont mêné ensuite au point de s’elancer dans la carrière, ou il a brillé si lumineusement. C’est à une année et demie de sejour à Leipzig, que j’ay dû la possibilité de mettre une sorte de metode dans mes petites possession, l’acquisition des principaux livres requis pour me diriger, et nombre de correspondance pour satisfaire à ce gout passionné. La complaisance de ces messieurs n’avoit point de bornes. Ils me traitèrent, comme vous, Monsieur, mais sans y mettre l’encens flatteur, que la gentilesse françoise seule sait prodiguer. Ils me donnerent des conseils, des directions, de nouveaux chagrins, de nouvelles entraves, vinrent m’arracher à ce delicieux séjour, pour me ballotter au gré de la fortune. Il fallut m’occuper d’avocats au lieu de rois Grecs et de consuls Romains! Tems et moyens tout fut absorbé par Cujas et Bartole; dont les deplaisantes faces, furent substituées, pendant sept ou huit ans, aux phisionomies radieuses des Brutus et des Pompées. Un nouveau caprice d’etoile, après un semestre antique de 7. ou 8. ans [00024; f. 3r] me rapprocha de mes penates, et me percha dans un vieux château, digne de la fée Urgele, et de l’enchanteur Merlin. Mrs Christ et Richter etoient morts tous deux. Mais mon cabinet avoit joliment augmenté, et j’avois des correspondances instructives. Les ouvrages de Pelerin parurent alors et firent le charme de ma retraite. Le Ct de Cailus daigna descendre jusqu’à correspondre avec moy. Ma curieuse ignorance l’attendrit. Il m’a envoyé plusieurs jolis morceaux Egyptiens; en recompense d’une amulette Persienne, que j’avois eu le plaisir de luy envoyer. Sà mort vient m’enlever aussi cette flatteuse consolation. Mais je trouvois dans la petite ville, ou je passai 7. ans, un medecin vraiment savant, et genie quasi universel. Sans être anticaire il possedoit si foncièrement les langues et l’histoire, qu’à l’aide de ma petite collection, il le devint en peu de tems, au point d’etonner par son stile latin, et ses observations numismatiques, le Cte de Cailus, et Mr Pelerin, que j’avois mis à même de juger de sa façon de penser c’est luy, qui me fit sentir la necessité absolue, de mettre de l’ordre dans mon cabinet, qui avoit deja quelque consistance. Il me donnoit deux ans, pour en venir à bout; je l’achevai deux ou 3. ans après, à Hamburg, en 4. ou [00025; f. 3v] 5. mois. Il fallut encore quitter mon vieux chateau, mon admirable guide, et venir ici; ou je trouvai pour seule et unique ressource, la femme d’un courtier, personne vraiment singulière, et bien au dessus de son état, tant par ses connoissances, qu’elle ne devoit qu’à elle même, que par un caractère aimable et estimable, qui auroient orné un princesse. Elle avoit la même marotte que moy pour l’antique, elle avoit une petite collection de medailles, qu’elle preferrit à une fort considerable moderne à deux grands cabinets de curiosité et d’histoire naturelle. Elle savoit quelques mots latins, le françois, l’italien; nous travaillames ensemble avec ardeur, à ranger non seulement nos petit trésors, mais encore à en faire le catalogue; elle en allmand, moy en françois. J’eus fait, en 7. mois de tems, mais la cruelle mort, qui me poursuivoit, etoit encore venue me l’enlever, au milieu de mon ouvrage. Je dois ajouter une petite circonstance plus singulière, que tout le reste, et qui doit etonner reellement, bien plus que mon peu de patience, et une excellente loupe qui au fond a seule le merite, de tout ce, que j’ai pû faire, qui vous a pu etonner; c’est d’un phenomene feminin, Monsieur, qu’il me faut vous parler. J’avois il y a 18 ou 19. ans, fait venir de ma patrie du Duché d’Oldenburg, de [00025; f. 4r] la petite ville de Delmenhorst une simple servante, fille d’un habile menuisier. Insensiblement cette fille etoit venue dans ma chambre, et chargée souvent de porter, et de remporter les laÿettes de mes medailles. Son ordre, sa proprété, son attention à les remettre en place, me frappèrent. Bientôt elle s’accoutuma, à rester en tiers entre la femme du courtier et moy, quand nous travaillons ensemble. Nous nous l’envoyons frequemment avec des eclaircissemens et des livres, que vous dirois je enfin, Monsieur, cette même fille le croyez vous? Sans savoir ni le latin, ni le grec, ni le françois, ni l’histoire, connoit bien mieux ma collection de medailles que moy. Je l’envoirai au milieu de la nuit chercher, tel morceau, qu’il vous plaira, en le nomment seulement, et surtout, si je l’indique dans le catalogue; elle connoit chaque morceau; elle est au fait des lacunes; elle discerne au juste les suspects, les fausses; c’est elle, qui entretient dans mon cabinet, l’ordre le plus scrupuleux et la plus grande proprété, qui y range, sans le moindre erreur, les morceaux, que j’acquiers, qui, quand on m’en propose, me dit «Vous avez tel morceaux, ou vous ne l’avez point, et en voila la difference». C’est elle, qui, quand je copiois les inscriptions latines ou grecques, m’observoit, par [00026; f. 4v] dessus l’epaule, et me disoit «Cette lettre n’y est pas, ou est autrement, vous vous trompez». Enfin, Monsieur, c’est une chose, qu’il faut voir, pour le croire, qui etonne tout Hamburg. Aussi s’appelle telle partout, Monsieur, le professeur Marie, et merite-t-elle d’être connue de vous puisque reellement elle est un vrai metheore. Quel horrible travail vous m’avez fait faire, Monsieur, parler de moi même, pendant une heure!

References

  1. ^  Jobert, Louis (1692). La science des médailles, pour l’instruction de ceux qui commencent à s’appliquer à la connoissance des médailles antiques et modernes. Paris: Louis Lucas, Michel Davis, and Jean Ricoeur.
  2. ^  Williams, D. (2018), "Charlotte Sophie Bentinck, Joseph Eckhel and numismatics", Virtus. Journal of Nobility Studies, 25, pp. 127-143.