-Lettre du 18 mai 1702 (d’Arnstatt) : « Monseigneur, Voici une réponse à la lettre, que V. A. m’a fait la grâce d’écrire le 14 avril, où il y avait douze dessins, mais celle, qui la première, où il y avait vingt dessins de médailles, ne m’a pas été rendue, et je ne sais ce qu’elle est devenue. I. Je crois que la médaille de Néron avec P. MEMMIO Cleandro a été restituée par le burin. Elle est dans le cabinet du roi à Versailles, sans que j’ai pu lire davantage que Vaillant : ainsi si je ne puis avoir la copie de cette médaille en colle de poisson, je ne pourrai pas m’y fier ; car les lettres, qui suivent, n’ont aucun sens, et au lieu de ADV. AVG. Il faut qu’on lise ADL. AVG. Ce que les médailles, où il y a des adlocutions, justifient assez outre l’inspection de la médaille. II. J’envoie à V. A. l’estampe de Cestia et Munatia. Ainsi il sera facile devoir que cette médaille a été frappée en Sicile. Elle est dans le cabinet du roi à Versailles. III. La médaille de AVFIDIA est toute semblable à celle que j’ai fait graver. IV. Pour celle d’AVTRONIA, j’en ai deux différentes dont l’une a été mise dans la famille SEMPRONIA, à cause du cognomen ATRATINVS, et l’autre parmi les incertaines. V. La médaille avec est fort considérable et je ne l’ai jamais vue ; cependant il faut que les lettres numérales y soient aussi car ./. 235 tomberait dans l’année 711 que Pansa était consul à Rome. VI. Celle de la famille ATINIA m’est un peu suspecte, et si je ne la vois en colle de poisson, je ne pourrai m’y fier. VII. Il est de même du Claude cum PACONIO, car tout y est suspect, et selon les apparences on n’y a pas réussi en la renouvellant avec le burin. VIII. Mons. De Wilde à Amsterdam a fait graver la médaille de la famille FVLCINIA, et V. A. pourra voir s’il y a quelque différence. IX. Pour celle de la famille LICINIA, où il y a CRA je l’ai fait graver, et l’ait vue deux fois. X. La médaille de la famille AEBVTIA est fort singulière, mais elle m’est suspecte. A cette occasion, il faut savoir, que Vaillant a publié deux médailles avec la tête de M. Antoine, dans l’une il y a L. AEBVTIO C. PINNIO II. VIR. ainsi qu’il se lit distinctement sur celle du roi de France. L’autre est à Rome dans le cabinet du Prince Odescalchi, et le chevalier Gottifredi l’a fait ainsi graver avec P. ALITIO L. MENIO II. VIR. Mais je suis sûr, que c’est une même médaille, et la dernière a été ainsi mal restituée par Cameli, qui était un habile ouvrier pour contrefaire et restituer les médailles, ainsi que le cabinet de la défunte reine de Suède le prouvait assez. Leonardo Agostini a exercé le même métier, et le Comte Lazarra à Padoue en possèdait une grande quantité, comme aussi différents autres cabinets. Entre autres un certain Marchese Liberi de Rome envoya un catalogue de semblables médailles, lesquelles ont été très bien faites, mais toutes fausses. Et pendant que j’ai servi le Roi de France, j’en ai vu une si grande quantité de très bien contrefaites, que l’on présentait à vendre, que je m’en suis souvent étonné. Ainsi il faut prendre garde exactement, et quand une médaille a été retouchée avec un nouveau burin, je ne puis l’estimer et m’y fier. XI. La médaille de Néron avec I. PISONE est du même caractère, et toutes ces médailles (à moins que je ne les voie, ou puisse avoir la colle pour en juger) ne me servent de rien, et je n’oserais m’hasarder à les publier pour véritables. XII. Je dis la même chose du Néron avec M. PORIVS. L’on imprime les informations de Gruterus à Amsterdam chez le Sieur Halma, et je crois qu’il est achevé. Car il y a plus d’une année qu’on l’a commencé. La découverte de V. A. sur les lettres SER dans la famille MANLIA est considérable, et je ne manquerai pas de la citer. Pour ce qui est de ma santé, elle est en pauvre état, ainsi si je ne suis de la famille MVCIA, je suis pourtant un SCAEVOLA, et quand je veux faire écrire, il faut que je sois comme Jules Cosan DICTATOR PERPET mais sans si grande effusion de sang. Dans la famille CLAVDIA on lit distinctement sur la médaille du Roi VOLCANON. Je supplie V. A. de m’envoyer la colle de la médaille avec P. QVINCTILI. VARI. II. VIR afin que je puisse voir le nom d’AGRIPPA. car dans celle du Roi de France on ne le voit point. Mais la médaille de Rabinia y est d’argent très belles tout de même comme Patin l’a fait graver. Venons à la lettre du 21 avril, et voici ma réponse. I. La médaille d’Auguste, qui est dans le livre d’Ant. Augustinus, est fort rare, mais je ne l’ai point vue, et je serai bien aise de la voir en colle de poisson. Je crois pourtant, qu’au lieu de C. LVCI on y doit lire C. LVCR. J’ai aussi deux autres médailles d’Auguste, où il y a HIBERO PRAEF. Et je les ai mises dans la famille Vispania, parce que le nom d’Agrippa y est aussi sur une. II. Voici comme j’ai fait graver la médaille de Valence en Espagne ; j’ai bien trouvé un Q. Lucienus Senator in Varronis L. II de re rust. mais je ne sais encore dire si cela est nomen vel cognomen familiae Romanae. III. Votre Altesse m’en a envoyé deux dessins différents, mais je crois que c’est une même médaille, et l’une burinée, à quoi il faudra prendre garde, et je supplie de m’en envoyer la colle. IV. Je demande la même grâce pour celle de la famille Durmia ou Herennia : j’en ai reçu le dessin de feu Mr Patin, mais si mal fait, que je n’ai osé le faire graver. V. Voici comme j’ai fait graver la médaille de la fam. Poblicia, que j’ai vue à Paris, sans y pouvoir connaître davantage, et elle fut apportée d’Espagne par un marchand qui venait de Cadix. VI. Voici deux médailles que j’ai fait graver dans la famille CIPVS. VII. Pour celle que V. A. croit appartenir à la famille Voconia, je ne sais qu’en dire, et n’en ai fait graver qu’une dans la famille Fulvia, quoique j’en ai vu plusieurs en nature, et dans le livre de Don Juan de Lastanosa, qui a eu raison, à ce que je crois de les mettre entre les discognocidas. VIII. La médaille avec la tête de Neptune d’un côté, et une ancre de l’autre mérite un plus expert examen, avant qu’on l’attribue à la famille Aufidia. IX. Celle de Livia dans la famille Arria ou Furia est fort belle. J’en ai une d’Auguste avec quelque différence, et supplie dem’en envoyer la colle. X. La médaille de la famille Aebutia et Vibia m’est aussi fort suspecte, et je ne saurais en bien juger sans la colle de poisson. J’ai envoyé à V. A. l’estampe des médailles de la famille Posthumia, ainsi je n’en dirai pas davantage. XI et XII. Pour ce qui est des deux médailles avec COPIA, il les faut mettre parmi les incertaines, et je les crois frappées à Valence en Espagne. Je ne les ai point vues, ainsi je supplie de m’en aussi envoyer les colles. XIII. La petite médaille d’argent de la famille Cestia ou Junia est fort jolie, et je l’ai point. Après avoir achevé ma réponse sur tous les articles et médailles, je supplie V. A. pour conclusion de m’en envoyer les copies en colle de poisson, lesquelles peuvent être faites plus facilement que les dessins, qui ne sont pas trop bien faits et coûtent de l’argent pour les faire faire, au lieu que V. A. peut faire faire les colles par un de ses laquais sans aucune dépense. Dans mon Spécimen la manière est fort exactement décrite mais afin que V. A. le puisse encore mieux commander, je ferai écrire, comme je les fais faire moi-même. On coupe de la colle de poisson en très petits morceaux, les met dans une écuelle, et l’on jette par dessus de l’eau commune, en sorte qu’elle passe environ d’un doigt plus ou moins selon la quantité de la colle que l’on veut faire tremper. Ensuite on met l’écuelle sur un réchaud commun, et on laisse cuire fort lentement et à très peu de charbon jusqu’à ce que l’eau soit devenue gluante, ce que l’on peut savoir en y mettant le bout du doigt. Outre cela il faut toujours remuer avec une cuillère, ôter quelquefois l’écume blanche, et quand l’eau commence à trop bouillir, il faut l’empêcher en ôtant quelques charbons. La colle étant ainsi faite, il la faut laisser refroidir tant soit peu, en sorte qu’elle devienne tiède, après quoi on en prend avec un couteau à l’Anglaise sans pointe, et on en couvre les médailles rangées sur un papier, mais subtilement, afin que la colle ne puisse pas découler en bas. Si les médailles sont petites, il faut mettre la colle de l’épaisseur environ d’un dos de couteau, et si elles sont plus grandes, on y mettra davantage, afin qu’en séchant la copie devienne assez forte, et si la médaille a dans quelques endroits des hauts reliefs, il n’y aura qu’à laisser coaguler la colle, et puis couvrir les hauteur, qui n’en ont pas assez. Cela étant fait, il faut mettre les sècher à l’ombre, et les empreintes se feront de soi-même dans un jour ou deux après quoi elles s’ôteront de soi-même, ou bien il n’y a qu’à les piquer et faire sauter avec la pointe d’une aiguille. Voilà tout le mystère, et quand un côté est fait, il n’y a qu’à faire l’autre tout de même, et mettre ensemble dans un petit papier les deux colles d’une médaille, ou bien les marquer subtilment avec de l’encre et une plume fine, afin que l’on puisse connaître et discerner lesquelles appartiennent ensemble. De cette manière on en pourra envoyer cent ou deux cents dans une lettre sans qu’elles pèsent plus d’une once, et il n’y a rien de si simple et de si commode. Car quand on l’a vu faire une fois, on sera maître. J’attends avec impatience une réponse de V. A. sur ma lettre pour savoir si j’aurai le bonheur de plaire, et conserver les bonnes grâces, à quoi je tâcherai de réussir par tout ce qui est dans mon pouvoir, n’ayant d’autre dessin que d’être toute ma vie, de votre Altesse, le très humble et très obéissant serviteur. A. Morell P.S. Je supplie V. A. de me mander en quel état soit le cabinet de médailles de Ruzini, car feu Mr Patin m’a dit qu’il y avait des choses incomparables, et je sais qu’un autre en a offert 3000 pistoles, et serait passé jusqu’à 4000. Monsignor (Sorlesini ?) avait aussi une très belle collection et j’en ai plus de 300 dessins, tous de médailles grecques et rares» (Paris, BnF, Manuscrits, Nouvelles acquisitions latines 389 : Correspondance numismatique d’André Morell d’Arnstatt, pendant les années 1702-1703, p. 58-64, [en ligne sur Gallica]).