-Lettre du 20 août 1682 (de Padoue) : « Votre lettre m’apprend que vous êtes à Paris. Hé, Monsieur, que n’y suis-je avec vous ! Quoiqu’en ce pays j’aie des douceurs qui ralentissent les misères de la vie humaine, je dis tous les jours que Paris est toujours Paris, c’est-à-dire la merveille du monde, et j’apprends même que le Paris que j’ai connu et où je suis né, est bien au-dessous de ce Paris d’aujourd’hui, que le Roi a rendu beau, net, sûr, et bien plus de marbre, à proportion, qu’on ne peut dire de Rome à l’égard d’Auguste [allusion au RGDI ou inscription d’Ancyre]. Enfin, Monsieur, quand je pense à Paris, il me semble que je donnerais tous les avantages que j’ai ici pour pouvoir y retourner [note de R. qui remarque que Patin avait reçu des lettres de rémission en 1681 et que donc rien ne l’empêchait, juridiquement de rentrer]. Que de curiosités, que de médailles antiques, que de savants, que d’honnêtes gens, que d’amis !et ce sont là presque autant de choses qui me manquent en ce pays-ci, quoique dans les apparences, on s’y pique de n’y manquer de rien. Au reste, Monsieur, si ceux qui aiment l’histoire de l’Antiquité et les médailles prennent quelque part à mes disgrâces, et me continuent leur affection, en me souhaitant tout à fait établi dans mon pays, j’ose vous assurer qu’ils sont bien correspondus, et que songeant souvent à tant d’honnêtes gens dont j’ai eu l’honneur d’être aimé, je m’efforce de leur témoigner ma reconnaissance en contribuant à leurs plaisirs, autant qu’il m’est possible. J’ai soin que toutes les médailles qu’on apporte d’Orient soient dessinées dans mes manuscrits, et quand j’ai quelque loisir, je m’applique volontiers à leur déchiffrement. J’ai des choses merveilleuses, et je suis persuadé d’avoir de quoi enrichir la curiosité plus que n’ont fait jusqu’ici tous ceux qui en ont écrit. Je songe assez souvent à la mort, mais j’avoue ma faiblesse sur ce chapitre; elle me passe indifféremment dans l’esprit, par quelque stoïcité qui me reste, et je me trouve trop sensible au déplaisir que j’ai de ne pas mettre au jour tant de merveilles que j’ai ramassées; aussi cette pensée redouble ma diligence, et j’espère avancer, même finir cet ouvrage [R., en note, pense au Thesaurus numismatum, publié à Venise en 1684] qui ne saurait être qu’agréable à l’égard d’une si grande quantité de monnaies antiques que je publierai. Pour l’explication que j’y donne, je ne sais qu’en dire, et je laisserai le jugement aux gens curieux et savants comme vous; mais c’est assez parlé de curiosités, obligez-moi de me donner occasion de mériter vos bonnes grâces; je l’embrasserai de tout mon cœur, et vous témoignerai plus volontiers par des effets que par des paroles, le désir que j’ai d’être etc. (Paris, BnF, Mss. Fr. 9362, voir Ravaisson 1874, p. 226-227).