-Lettre du 22 septembre 1717 (de ?) : « Le vice d’aimer les jeunes garçons est la plus grande passion du duc de Villars ; votre cher oncle, le joli prince d’Eisenach, voulut une fois lui faire donner des coups de bâton, parce qu’il lui avait fait une déclaration d’amour. La maréchale de Villars court beaucoup après le comte de Toulouse ; mon fils est aussi fort dans ses bonnes grâces, mais il n’est pas discret. Le maréchal de Villars vint un jour me rendre visite, et comme il prétendait se connaître en médailles, il me demanda à voir les miennes. Baudelot, homme très honnête et savant, qui en a la charge, fut obligé de les lui montrer ; ce n’est pas l’homme le plus avisé, et il n’est guère au fait de ce qui se passe à la cour. Il avait fait une dissertation sur une des médailles, pour prouver, contre d’autres savants, que la tête à cornes qui y est figurée, est celle de Pan en non pas de Jupiter Ammon. Pour prouver son érudition, le bon Baudelot dit à M. de Villars : ‘Ah ! monseigneur, voici une des plus belles médailles que Madame ait ; c’est le triomphe de Cornificius : il a toutes sortes de cornes. C’était un grand général comme vous, monseigneur. Il a les cornes de Junon et de Faune. Cornificius, comme vous savez, monseigneur, était un général habile’. Je l’interrompis : ‘Passons, lui dis-je ; si vous vous arrêtez à chaque médaille, vous n’aurez pas assez de temps pour les montrer toutes’. Mais, plein de son sujet, il répondit : ‘Ah ! madame, celle-ci vaut bien une autre. Cornificius est, en vérité, une des plus rares médailles du monde. Considérez-la, madame, regardez ; voilà Junon couronnée qui couronne ce grand général’. Quelque chose que je pusse dire, je n’empêchai point Baudelot de parler de cornes au maréchal. ‘Monseigneur, reprit-il, se connaît en tout, et je voudrais bien lui faire juger si j’ai raison de dire que ces cornes sont plutôt celles de Faune que de Jupiter Ammon’. Toutes les personnes qui étaient dans la chambre se tenaient pour ne pas éclater de rire. Quand on l’êut fait exprès, on n’aurait pas pu s’y prendre plus fortement. Quand le maréchal fut parti, je me mis à rire aussi. J’eus bien de la peine à coviancre Baudelot qu’il avait mal fait » (Brunet 1857, p. 320-321).