-Lettre du 6 févr. 1701 (de Deventer) : « Il y a trois semaines que j’ai reçu la lettre que vous m’avez écrite le 22 du nov. Passé, votre défense des trois Gordiens, et la nouvelle réplique à M. Dubos, toutes les deux traduites en latin. Je vous suis, Mr, fort obligé de l’honneur que vous me faites, et je m’estime heureux de ma pouvoir par là entretenir quelquefois avec vous de médailles, à qui vous entendez si bien. Car vous avez eu le bonheur de voir beaucoup des cabinets et l’illustre M. Foucault vous a confié le sien, qui est rempli des médailles les plus rares et les plus curieuses, et c’est assurément l’unique moyen à pouvoir approfondir cette matière. Ce trésor donc ne pouvait pas être entre de meilleures mains, et je prends la liberté de féliciter cet illustre intendant, de ce qu’il vous ait choisi pour ranger et éclaircir ses médailles. J’emploie mes heures oisives qui sont fort peu, à ce divertissement ; mais je ne puis me servir que des médailles pubilées, et les anecdotes nous donnent toujours des nouvelles lumières, et sont fort souvent des interprètes des autres. Nous vivons dans un pays où les Romains ont laissé fort peu de monuments de leur grandeur et de leurs richesses, et les médailles qui s’y trouvent quelquefois sont fort communes. J’en attrape pourtant quelques-unes par le moyen des Juifs qui viennent d’Allemagne, et j’en reçois d’autres du Levant, qui sont assez rares et singulières (description de quelques médailles nouvellement acquises par Cuper). Mais pour revenir à votre lettre, je n’ai pas reçu vos dissertations françaises, et je ferai imprimer, aussitôt que je pourrai, tout ce qu’on a écrit pour et contre les trois et les quatre Gordiens. Les continuelles occupations, et les petits voyages que je suis obligé de faire fort souvent, m’ont empêché de mettre au net les augmentations de mon Histoire et la réponse que je dois à M. l’Abbé Des Bos. Je m’y mettrai pourtant de bonne foi à cette heure, si je ne devais pas partir pour Swol et Campen… Outre cela, l’Eléphant m’a occupé, et m’a dérobé tout le temps qui me restait : quoi, direz-vous sans doute, un éléphant dans votre pays ? Oui, Monsieur, et même dans ma maison : c’est une dissertation sur les médailles qui sont marquées de cet animal. Elle est fort grande, et je l’ai embellie de beaucoup de médailles, tant publiées qu’anecdotes, dont quelques-unes me sont envoyées par M. le baron de Spanheim, tirées du cabinet du roi par l’obligeant et savant Mr Oudinet. Vous me ferez un singulier plaisir, si vous voudrez prendre la peine de voir s’il n’y a pas aussi des médailles anecdotes, où l’on trouve cet animal, dans le cabinet de l’illustre M. Foucault, et de m’en envoyer des copies. Mon dessein est de mettre en ordre l’histoire de cet animal, depuis Alexandre le Grand, ce qu’on en ont fait les rois ses successeurs, les Carthaginois et les Romains ; enquérir sur les raisons pourquoi on l’ait mis sur les médailles tant consulaires que des empereurs, de ceux d’Athènes, de Naples, des rois de Syrie, et d’autres ; enfin, je tâche d’illustrer beaucoup des passages des auteurs, qui me semblent n’être pas encore bien clairs ; et j’y joindrai des épigrammes anecdotes, qui me sont heureusement tombés entre les mains. Je ne vous dirai rien de votre Défense des trois Gordiens, car je ne l’ai pas lue, et je ne la lirai pas, qu’après que la mienne sera absolue, pour pouvoir assurer en honnête homme que je ne m’en suis pas servi, si nous venons d’employer des mêmes arguments pour combattre l’opinion paradoxe du savant Mr. Du Bos, ce qui arrivera sans aucun doute » (Abdel Halim, p. 349, n° CXLVII).