-Lettre du 21 juin 1708 (de Deventer) : sur les folies d’Hardouin « L’on vient de m’envoyer le commencement de la nouvelle édition des Œuvres du Père Hardouin, c’est son livre, De Nummis Populorum & Urbium. Je l’ai feuilleté, et j’y trouve non seulement sa belle et sa jolie explication du nom de , mais aussi celle de , et tant d’autres extravagances, que je ne puis me défaire de ce vers d’Horace, qui me revient fort souvent, pergula pictorum, quand je considère la plupart des additions. L’on croit, que l’histoire de Léandre et de Héro nous est représentée sur une médaille d’ Abyde ; mais notre Œdipe y remet , Viri robur, en y ajoutant une histoire, et une coutume tout-à-fait ridicule et fabuleuse. Il soutient, que beaucoup de médailles sont frappées à Narbonne, et en voici de beaux exemples, CAESAR DICT. IN PERPETVO, c’est-à-dire, Dictator primus Narbone perpetuo, d’où il conclut que la Dictatura fuit Magistratus urbis, non orbis, & in aliis civitatibus R. Imperii non habuisse Caesarem hanc potestatem, etiam in Narbonem Provincia, nisi ei a S.P. Q is honor sponte deferretur, sive ad unum annum, ut Romae, sive perpetuo. L’inscription d’une médaille de Claudius, P N R est par lui expliquée Pondera Narbonensia restituta ; une autre de Gallien, dont la légende est INT SC VRB Senatusconsulto. Jove Narbonis Titaore Urbs Roma beata ; une autre de Magence VOT VNIV ITM : Vota Urbis Narbonis, primis quinquennalibus Impp. Trium Maximorum. Il y en a encore d’uatres plus ou moins ridicules, et je vous serais sans doute à charge, si je vous les envoyais toutes. L’on trouve sur une médaille GENIO ANTIOCHENI APOLLINI SANCTO ; c’est-à-dire, selon ce père : Genio primae Narbonensis, Tutatori Imperii, odio Christianorum etiam nobis irato Apollini Sancto Societas Mercatorum adjacent Hispaniae. C’est assurément se moquer du monde, et faire de l’étude des médailles, dont on tire tant d’éclaircissements pour l’histoire, la géographie, et pour tout ce qui est compris sous le nom de Belles Lettres, un vrai iusum jocumque. J’ai inséré dans mon histoire des III. Gordiens une médaille, où se voient Pupienus, Balbinus, et au milieu d’eux Gordianus ; mais le Père Hardouin fait de ce dernier Maximinus à la page 166 de sa nouvelle édition. Mais je ne puis comprendre d’où lui peut venir une telle pensée. Car il est tout-à-fait incroyable, que Maximin, déclaré ennemi par le Sénat, ait été mis sur une médaille, frappée en l’honneur de Pupienus. J’ai outre cela remarqué, que ce savant Père va par tout son grand chemin, qu’ilomet quelques méprises sans nommer les auteurs, qui les ont corrigées, et qu’il y en reste beaucoup. Je vous assure, qu’un homme se pourrait donner beaucoup de peine, s’il entreprenait de réfuter les abus et les explications ridicules, et tout-à-fait insoutenables, et s’il voulait collationner ces deux éditions. Pour moi je me lasserais bientôt, et soyez assuré, que je ne m’emploierai jamais à examiner et à détruire des extravagances qui sautent aux yeux, et qui sont de notoriété publique. Herculeus ille labor, quoique j’ai assez de matériaux pour en pouvoir faire un livre raisonnable »« P.S. J’ai oublié de vous mander que la nouvelle édition du livre De Num. Pop. et Urb. est de 216 pages y compris les tables, et que sur chaque page sont deux colonnes. Vous savez, Monsieur, que l’édition in quarto, est de 610 pages, sans compter les tables ; d’où vous pouvez voir qu’il y a plus ôté qu’ajouté, ce que j’avais aussi remarqué quand je vis le MS. l’année passée à Amsterdam » (Cuper 1743, IV, p. 12-13 ; Sarmant 2003, p. 132, note 117).