Remarques de Guy Meyer : Cette lettre est difficile à suivre car elle est toute en allusion et sous-entendu. Elle est expédiée de Beauvais, car à la fin Du Bos explique que son beau-frère Lucien Danse, mari d'Élisabeth Du Bos (sur cette famille voir la monographie de P. Goubert, Familles marchandes sous l'Ancien Régime : les Danse et les Motte de Beauvais, Paris, 1959 ; la fille de ce couple, et donc nièce de Du Bos, épousa un Le Caron de Troussures ce qui explique, en partie, la richesse de la collection du château de Toussures, mais les Le Caron sont apparentés à toute l'aristocratie « bourgeoise » de Beauvais, elle même caractérisée par une forte endogamie ; la collection de Troussures, en ce qui concerne les lettres et les manuscrits des XVIIe-XVIIIe siècles, a été dispersée, à la suite de diverses épisodes, entre l'Institut de France et la collection d'autographes des Rothschild, aujourd'hui à la BnF) qui peut se charger d'une commission pour Thoynard. Le premier paragraphe renvoie à l'édition annotée par l'auteur de Bergier, Histoire des grands chemins..., voir la lettre de Du Bos à Bayle, du 25 juin 1696. La suite est beaucoup plus compliquée. Du Bos poursuit ici sa remise en cause de l'histoire romaine sur des intuitions mal fondées : il semble postuler un voyage de Trajan en Orient dès 106. Il s'oppose sur ce point à plusieurs érudits. Le premier, désigné comme une « éminence antiquaire » doit être le cardinal Henrico Noris. Le titre abrégé, et sans doute mal transcrit, doit renvoyer, à l'Epistola consularis de Noris, publiée à Bologne en 1678. L'évêque de Saint-Asaph n'est autre que William Lloyd (1627-1617, évêque de Saint-Asaph, au Pays de Galles, de 1680 à 1699, puis évêque de Worcester), plus connu pour son protestantisme intransigeant et militant que pour se travaux d'érudition. C'était pourtant l'ami d'Henry Dodwell (1641-1711) polémiste anglican et non moins savant. Lloyd avait collaboré aux Dissertationes in Irenæum (Oxford, 1689) de Dodwell. Dodwell et Lloyd avait entretenu une correspondance avec le père Pagi et le cardinal Noris au sujet de questions de chronologie, sujet qui était au centre des recherches de Thoynard qui échangeait lui-même avec ces deux religieux catholiques, sur Lloyd et Dodwell et leurs relations épistolaires avec Noris et Pagi voir Jean-Louis Quantin, « Anglican scholarship gone mad ? Henry Dodwell (1641-1711) and Christian Antiquity », in Chr. Ligota et J.-L. Quantin edd., History of scholarship : a selection of papers from the Seminar on the history of scholarship held annually at the Warburg Institute, Oxford, 2006, pp. 313, 316, 318, 326-328. Lloyd publia les résultats de ses recherches chronologiques dans les Series chronologica, Oxford, 1700. Les recherches et les lettres de Lloyd sont explicitement mentionnées par le Père Antoine Pagi, dans ses critiques contre Baronius, Critica historico-chronologica in Annales ecclesiasticos, Paris 16891, première partie, pp. 72-73, 81, 84, 86, 89, 94; seconde partie, pp. 4, 8, 9, 12, 19, 22. J'avoue ignorer absolument ce qu'est la médaille de « Rabathamna » [c'est bien l'orthographe du manuscrit]. La suite est encore plus obscure. Le « El Bizarro », selon Dom Paul Denis serait, avec un « ? » toutefois, l'historien Pierre Bizzarri (1530-158?), mais, dans son Specimen, p. 57, Morell renvoie à « Vaillant, p. 124, Tom. II », ce qui correspond exactement à la référence donnée par Du Bos. Pourquoi donc Du Bos désigne-t-il son cousin Vaillant sous cette appellation cryptée ? La monnaie décrite par Du Bos, figure à la planche V du Specimen, avec une fleur de lys qui indique le cabinet du roi (selon un système mis au point par Vaillant et qu'il avait présenté devant le cercle du duc d'Aumont ou celui du président Bignon qui en avait pris la suite : Thoynard, Du Bos, et Morell avaient tous fréquentés les réunions numismatiques du président Bignon, tout comme Galland et Foy-Vaillant). Si l'on se fie à la planche de Morell, la légende du droit est mal retranscrite autant par Morell que par Du Bos : IMP. TRAIANVS AVG. GER. DAC. P.M. TR.P. COS VI P.P. [de plus, Du Bos a omis le titre de Père de la Patrie à la fin de la légende]. La même monnaie, sans la légende du droit, dans Vaillant, Numismata præstantiora, II, p. 124 (édition de 1694). On retrouve une mention « del Bizarro » dans une lettre de Du Bos à Thoynard, datée d'Amsterdam, le 4 septembre 1698 [Denis 1912, p. 70, Lettre 64 ; Lombard 1913, p. 33, Lettre 61, incipit seulement] : On veut réimprimer ici l'œuvre del Bizarro. Les Numismata praestantiora avaient déjà été réimprimé chez Gallet, à Amsterdam, en 1696 (2 vol.).
Sur « El Bizarro », voir aussi la lettre de Du Bos à Thoynard datée de Bruxelles, le 25 septembre 1698 qui confirme, s'il en était besoin, l'identification de Foy-Vaillant derrière ce sobriquet, péjoratif semble-t-il, ou à tout le moins, ironique. Ce ridicule surnom apparaît quatre fois sous la plume de Du Bos, toujours dans des lettres adressées à Thoynard, outre la lettre ci-dessus du 19 octobre 1696 et celle qu'on vient de citer du 25 septembre 1698, dans celles du 4 septembre 1698 et du 4 octobre 1699. (fr)