-Lettre du 10 avril 1774 (de Patras) : « Je n’ai reçu que depuis peu la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire le 3 novembre. Je dois bien de la reconnaissance à M. Guys de m'avoir procuré la correspondance numismatique du Cabinet du Roi, et, s'il ne tient qu'à mon zèle d'augmenter cette riche collection, soyez persuadé, Monsieur, que je n'oublierai rien de ce qui dépendra de moi pour y concourir. Je désire sincèrement d'être aussi heureux à Patras que je l'ai été autrefois a Constantinople, où j’enlevai, pour ainsi dire, des mains d'un antiquaire anglois le superbe médaillon d'or d'Hadrien [Justinien], dont feu M. le comte des Alleurs a enrichi le Cabinet du Roi. Ce fut à cette occasion que j'eus l'avantage de me faire connaitre à M. l'abbé Barthélémy. Je serois enchanté de lui renouveller souvent ainsi qu'à vous, Monsieur, les mêmes marques de mon zèle. J'ose vous prier de lui en donner de ma part les assurances les plus fortes et de l'assurer du désir que j'ai de lui prouver mon respectueux attachement. Je ne serai pas moins empressé de vous témoigner en toute occasion combien je suis sensible aux offres obligeantes que vous voulez bien me faire. Agréés, Monsieur, en retour tout ce qui dépend de moi dans ce pays, où je serai très flatté d'être honoré de vos ordres. L'instruction que feu M. de Boze m'avoit fait parvenir par la voie de M. des Alleurs, a eu le sort de mes livres, qui ont été enlevés par les Anglois à mon retour de Constantinople, en 1738. Privé de ces secours, je tâcherai de mettre dans mes acquisitions toute l'écononie qu'il me sera possible, et, pour le choix des médailles du Péloponèse, je ferai usage du catalogue que vous avez eu la bonté de m'envoyer. Les troubles, dont cette province et celles qui l'avoisinent sont agités depuis l'invasion des Russes, forment des obstacles presque insurmontables à cette moisson, qui pourroit devenir abondante si jamais je puis exécuter le projet que j'ai formé de visiter exactement le Péloponèse pour déterminer la position de ses principales villes. Comme je ne puis remplir cet objet sans des secours que je ne puis me flatter d'obtenir aujourd'hui, j'attendrai des circonstances plus favorables pour les réclamer et pour lors je prendrai la liberté d'étayer mes demandes de votre crédit. La lecture de la relation du voyage litéraire de M. Fourmont dans la Grèce m'a fait naître la première idée de ce plan, dont j'ai déjà fait part à M. d'Anville. J'ose me promettre de son exécution des recherches utiles à la géographie, encore imparfaite dans cette partie, malgré tant de voyages entrepris avec beaucoup de fatigues et de dépenses. Pour moi, qui me trouve porté sur les lieux et qui puis donner à cette recherche plus de temps et d'attention qu'un voyageur, j'ai lieu d'espérer d'en retirer plus de fruit avec beaucoup moins de frais. J’adresserai, Monsieur, comme vous le prescrivez, à M. Guys, les médailles que j'acquérerai et la note de mes débours. Je tâcherai de rendre mes envois les plus nombreux et les plus intéressans qu’il me sera possible afin de mériter la confiance dont vous voulez bien m'honorer » (Paris, Bibliothèque nationale de France, Ms. nouv. acq. franc. 501, f° 23-24 ; Omont 1902, p. 747, note 1).