Lettre du 14 juin 1757 (de Paris) :« Je donnerais plusieurs mois de Paris pour passer quelques jours à Tivoli, avec vous et M. le bailli. Je n’y renonce pas toujours ; ma folie est de retourner à Rome ; je ne cesse de le dire et je l’exécuterai, pour peu que j’y trouve de la facilité. J’ai pris goût aux voyages ; je suis bien tenté de celui de Vienne ; M. et Mme de Stainville ont la bonté de me le proposer. Mes affaires, d’un côté, la médiocrité de ma fortune, de l’autre, sont les seuls obstacles qui m’arrêtent. Je verrais avec plaisir le cabinet de l’Empereur et ceux de quelques particuliers d’Allemagne. De là, je retournerais à Venise pour voir à loisir ces sénateurs qui ont eu tant de bontés pour moi. […] Je vais répondre par ordre à tous les articles de votre lettre. Je commence par la médaille de Polémon, du sénateur Savorniani. Je vous en avais donné la leçon de mémoire ; la voici plus exacte : . (id est anno XIe). Dans le dernier ouvrage du P. Froelich, il y a une médaille d’un roi parthe dont on ne voit plus que le surnom. Ce jésuite a cru qu’on pouvait lire ou ou bien , etc. Le P. Corsini a conjecturé que ce pouvait être Pharmaspaton ; il se trompe certainement. J’ai acquis la médaille à Venise. On y voit / / . La lettre qui vient après est un sigma qui termine le mot . Nous avons par les médailles de pareils exemples de lettres déplacées. Vous pouvez ajouter ce petit article aux remarques que je vous ai laissées sur l’ouvrage du P. Froelich. […] Je ne communiquerai à M. de C. (Caylus) que les choses dont je n’aurai pas besoin. […] Ne soyez pas inquiet sur les livres que vous désirez ; vous les aurez ; mais il me faut un peu de temps. Je n’en ai pas vu beaucoup, pour vous dire mon sentiment sur les médailles dont vous m’avez envoyé les dessins. Je reçus votre lettre il y a trois jours, et j’ai été bien occupé dans l’intervalle. Quoi qu’il en soit, voici mes observations. Médaille Ier. Il faut lire : c’est Larissa. J’en ai vu une semblable. La figure ailée tenait d’une main une couronne, et de l’autre un symbole qu’il était impossible de discerner. Il me semble que c’est une femme. Vous y voyez la forme du P ; il est sur plusieurs médailles de cette ville. Médaille IIe. Je l’ai vue à Venise chez le possesseur. Je ne connais pas la ville ; mais le type aboslument ou du moins fort semblable à celui de la médaille précédente et de plusieurs médailles de Macédoine, me ferait penser qu’elle est de quelque ville de Thessalie ou de l’autre province. Je soupçonne en conséquence qu’on pourrait lire , pour . Ptolémée met dans la région Bisaltia, en Macédoine, une ville nommée OSSA. Je ne suis pas arrêté par le M final. Nous conservons au cabinet du Roi une médaille d’argent qui est aussi publiée par Liebe, Gotha nummaria. Elle est d’une ville de Thrace, et au lieu de lire , on y lit bien clairement . Médaille IIIe. Je suis persuadé qu’il faut lire . J’ai vu la médaille à Venise ; j’en ai de semblables. C’est le type de cette ville, c’est-à-dire Chalcis en Eubée. Médaille IV. C’est une médaille d’Aenos, en Thrace, AINI est pour . La tête est, je crois, celle de Mercure. Haym, dans son Tesoro britannico, l’attribue à Enée, fondateur de la ville. Le nom d’ pour , dans le dialecte dorique, est certainement un nom de magistrat. Médaille IVe. Ne fait point de difficulté. Médaille Ve. Me paraît être de la Phocide. J’en ai vu plusieurs de semblables,et sur toutes j’ai lu nettement . Médaille VIIe. Vous avez raison ; elle est de Syracuse, et assurément très belle par sa grandeur. Je ne puis rien vous dire sur la rosette et sur les pieds qui terminent la triquetra. Ce sont de ces petits détails sur lesquels on ne peut rien avancer de précis. N° A. C’est une médaille certainement frappée en Grèce ; mais je n’ai pas eu le temps d’examiner en quelle ville. N° B. L’ornement qui entoure le me paraît être une vigne, et me fait croire que la médaille est de . N° C. Cette médaille est de Tricca en Thessalie. Vous avez vu le ci-dessus dans la médaille de Larissa : il y en a plusieurs au cabinet du Roi où l’on voit de l’autre côté la moitié d’un cheval. Je crois que c’est ici la même chose. Il faut observer que plusieurs antiquaires ont lu au lieu de , sur les médailles de cette ville. Paruta, je crois, est du nombre. N°*. De Thèbes ou de Béotie ; vous avez raison. N° **. J’ignore où elle a été frappée ; mais je crains que votre conjecture sur la roue ne soit pas solidement établie. Les traces des aires en creux paraissent plutôt de l’autre côté où l’on voit un carré figuré par des points. A votre place, je ne la publierais pas ; elle ne dit pas grand’chose. Voilà, mon cher, mon sentiment sur ces médailles dont je vous renvoie les dessins. J’ajoute que si vous citez mon Essai de paléographie numismatique, il faut citer le volume XXIV de nos Mémoires, page 30. » ; « Je me suis formé un alphabet phénicien ; j’explique l’inscription, excepté un mot qui m’arrête encore. Mon alphabet se trouve appuyé par les médailles » (Nisard 1877, lettre n° II, p. 193-200 et 201-202).