-Lettre du 27 août 1759 (de Paris) : « Je connais trop bien mon insuffisance pour n’être pas intimement convaincu que je ne mérite en aucune façon l’opinion que l’on vous a donnée de moi. Je suis cependant infiniment flatté des sentiments que vous voulez bien me témoigner, qui me procurent l’honneur de votre correspondance et qui a excité votre générosité à mon égard, jusqu’à céder à Mr Gevouin la médaille consulaire qu’il vous avait demandée pour moi. Je vous supplie d’agréer que je vous en fasse mes remerciments très sincères. Je vous félicite en même temps pour l’acquisition que vous me marquez avoir faite de bonnes médailles d’argent. Celles d’Hadrien et de Sabine sont plus rares que ne l’est celle de Faustine. Le médaillon de Constantin est d’autant meilleur, que je ne connais aucune médaille d’argent de cet empereur avec le titre de MAXIMVS. J’en ai un de Constantin avec le même type sans légende du côté de la tête. Il y a au revers CONSTANTINVS CAESAR. Le quinaire d’argent me paraît très précieux en ce qu’il y est fait mention, à mon avis, de la fameuse victoire remportée sur les Cimbres par Marius et Catulus. Je pense que l’on ne / [fol. 154 v°] peut guères rendre autrement VIC. CIM. que par Victoria Cimbrica. Cet événement était assez considérable pour que la mémoire dut en être perpétuée par les médailles. Les lettres VIL. qui sont de l’autre côté devraient être les initiales d’un nom de magistrat romain, mais j’ignore si l’histoire peut fournir quelque éclaircissement sur ce point-là. J’ai attribué à la ville d’Avignon des médailles semblables à celle que vous avez avec la légence AOUE. Ce sont les initiales du mot AOUENIôN polis Massilias selon Estienne de Byzance. La langue grecque était alors celle des habitants de l’une et de l’autre ville, et de plusieurs autres des environs, comme les médailles d’Antibes et de Béziers, entre autres, le font connaître. Vous savez mieux que moi sans doute que les anciens peuples des Gaules, à l’imitation des Grecs, faisaient représenter sur leurs monnaies différents animaux, de même que sur leurs enseignes. Le sanglier se trouve sur les médailles de plusieurs de nos villes, et j’ai leu quelque part qu’on le voit encore sur l’arc de triomphe de la ville d’Orange près d’Avignon. Vous êtes à portée de trouver de ces sortes de médailles frappées anciennement dans les villes de Provence et de Languedoc, et je ne doute pas que vous n’en ayez bon nombre. Si vous en aviez des doubles, je m’en accommoderais volontiers avec vous, et si en échange vous vouliez bien me faire savoir en quoi consisterait vos suites, je pourrais peut-être vous en procurer aussi quelques-unes pour les augmenter. Je n’en ai aucune de celles que l’on prétend exister, soit latines ou grecques, soit impériales ou autonomes, des villes de Narbonne, Agde, Vienne, Riez, Arles, Aix, Orange, Fréjus, Monaco et Turin. De mes différentes suites, celle des médailles de villes est, après ma collection de rois, celle / [fol. 155 r°] que j’affectionne le plus et que je cherche le plus à augmenter. Quoiqu’elle excède le nombre de 4300 pièces dans les trois métaux, je trouve qu’il m’en manque encore beaucoup, cette suite pouvant être portée à plus du double. C’est un bon médaillon que celui de Vespasien frappé en Chypre avec l’année IX dont vous avez fait l’acquisition. Il n’est cependant pas bien rare. J’en ai plusieurs semblables, que vous pouvez voir décrits par Mr l’abbé Belley à la suite de sa dissertation sur l’année sacrée qui est imprimée dans le XIXe volume des Mémoires de l’Académie des inscriptions. J’ai su la découverte heureuse que vous avez faite de l’inscription de la maison carrée de Nîmes dans les temps que Mr Menard en fit part à l’Académie, et j’ai lu depuis avec grand plaisir votre dissertation imprimée. Dès lors j’ai joint mes applaudissements à ceux que vous ont donné à juste titre les savants et tous les amateurs des lettres. C’est seulement en cette dernière qualité que j’ai loué et admiré votre ouvrage, mes connoissances étant très bornées, et c’est pour les perfectionner que je serai toujours empressé à profitter de vos travaux et de vos lumières. J’ai l’honneur d’être très respectueusement » (Nîmes, Bibliothèque municipale, Ms. 150, f° 154-155).