Lettre du 25 mai 1730 (de la Bastie Monsaléon) : « Comme je n’eus pas le temps, Monsieur, dans la dernière lettre que je vous écrivais de Grenoble d’examiner et de répondre à tous les articles de la vôtre, je ne vous dis rien sur l’inscription de Narbonne que vous m’aviez envoyée et même je n’y avais pas fait assez d’attention d’abord. Cependant en la relisant depuis j’y ai remarqué une singularité assez considérable, c’est que L. Verus y est appelé PONTifex MAXimus, c’est pourtant un titre qui ne lui est jamais donné sur les médailles et le P. Pagi dans sa critique des annales ecclésiastiques du cardinal Baronius sur l’an 161 observe que de tous les titres donnés aux empereurs M. Aurèle ne se réserva en particulier que celui de souverain pontife, ayant donné à Lucius Verus ceux d’Auguste et de César avec les puissances tribunitiennes et proconsulaires. M. de Tillemont dans son excellente histoire des empereurs, note XI sur Sévère, agite la question, savoir si avant Balbin et Pupien, il y a eu plus d’un souverain pontife à la fois. Il objecta deux médailles de Commode, sur lesquelles dès le vivant de son père il est appelé P.M. ce qui dans l’endroit où ces lettres sont placées ne peut s’expliquer que par Pontifex Maximus. Ni l’un, ni l’autre de ses savants hommes ne semble avoir fait attention aux inscriptions où ce titre se trouve donné à L. Verus (car outre la vôtre qui n’était pas connue de leur temps il y en a deux autres dans Gruter que je vais rapporter) sans quoi il y a grande apparence qu’ils en eussent fait mention, car cela augmente beaucoup la difficulté et il semblerait par là que ce titre n’est pas plus incommunicable que celui d’Augustin. Voici ces deux inscriptions. /[f° 189 v°]
p. CCLVII
IMP.CAES.L.AVRE
LIO. VERO.AVG.
DIVI ANTONINI F
PONT.MAX. TRIB.POT
COS. II.PP
MVNICIP.AMMAI
p. CCLVIII.3
IMP.CAES.L.AVRELIO
VERO.ARMENIAC.MED
PARTHIC.PONTIF.MAX. TRIBVNIC
POT. VIII. IMP. V.COS. III.PP
Malgré tout cela, je suis persuadé qu’on a eu raison jusqu’ici de croire que la duplication du titre de souverain pontife. Je n’avais son commencement que sous Pupien et Balbien, puisqu’ils sont effectivement les seuls sur ses monnaies desquelles ce titre se trouve également donné à l’un et à l’autre et pour commencer à résoudre les difficultés que je me suis faites. Je vous prie de remarquer que la 2e des deux inscriptions que je viens de rapporter est la même que celle qu’on voit à la pag. CCLIII, n. 2 et là dans la 3e ligne au lieu de PONTIF.MAX on lit PONTIFIC. La copie, sur laquelle elle a été imprimée en cet endroit, doit avoir la préférence sur l’autre parla conformité avec les médailles de L. VERUS où il est souvent appelé simplement PONTIF et jamais Pont. Max. En effet les empereurs étaient d’abord admis dans tous les collèges sacerdotaux et par conséquent ils étaient tous pontifes mais lors même qu’ils étaient deux, il n’y en avait qu’un qui fut Pontifex Maximus suivant la remarque expresse de Dion qui écrivait sous Sévère Alexandre, longtemps après Marc Aurèle et Verus, liv. 53, p. 507. Quant à la 1ère inscription on dit qu’elle a été trouvée en Espagne, pays très suspect en matière d’antiquités et je suis persuadé qu’elle a été copiée peu exactement et que le mal habile copiste, voyant le nom d’Auguste, aura joint de son cru l’épithète MAX au mot PONTifex. Quant aux médailles de Commode, je n’en ai pu déterrer qu’une dans Mezzabarba où il fait PM du vivant de son père. M. /[f° 190 r°] de Tillemont parle de deux et soupçonne qu’on a mal lu et qu’il n’y avait sur l’original que PONT. Cela me paraît d’autant plus vraisemblable qu’il paraît que cette légende n’a été trouvée que sur une seule médaille où elle est est passé en quelques endroits : d’ailleurs vous savez bien que Mezzabarba n’a pas lu lui-même la moitié des médailles qu’il rapporte et vous y en trouverez une infinité dont il n’a donné les légendes et les descriptions, que sur d’anciens catalogues de cabinet qui n’existaient plus. Cela supposé, je ne doute pas que dans l’inscription de Narbonne il ne faille lire ARMENIAC. PART.MAX comme sur une infinité de médailles de L. Verus et je trouve une autre inscription qui donne ces titres dans le même ordre, à la MIX, n° 12 de Gruter. <…> que, vous qui êtes sans doute en relation avec quelqu’un qui est en ces lieux, fissiez examiner si la faute vient du copiste, ou du sculpteur originairement, car ceux qu’on employait autrefois à graver ces inscriptions étaient souvent comme ceux de nos jours fort négligents et peu isntruits de la différence qu’il y avait dans les titres d’honneur ou bien il faut convenir qu’on n’avait pas dans les provinces une connaissance bien exacte du droit pontifical. » (Nîmes, Bibliothèque municipale,Ms. 139, f° 189-190).