Lettre du 11 juillet 1731 (de Marseille) : « Monsieur, J’ai reçu les douze médailles d’argent que vous avez eu la bonté de m’envoyer et je ne puis trop vous remercier de vos politesses que je ne sache point avoir encore méritées et dont je tâcherai de me revencher s’il plaît au Seigneur. Les dix que vous avez achetées pour mon compte sont parfaitement belles et à grand marché ; si vous pouviez m’en procurer d’autres, vous m’obligerez beaucoup. Surtout, s’il vous vient des têtes ou des revers rares pour les têtes. Le catalogue que je pris la liberté de vous envoyer vous apprendra celles qui me manquent ; mais à l’égard des revers, tous ceux qui ne seront pas communs et dont la conservation sera presque parfaite, je m’en accommoderai toujours. Je ne rebuterai pas mêmes les têtes que j’ai déjà quand il y aura occasion d’en avoir quelqu’une à un prix raisonnable. Je prends la Julia Paula à 3 livres comme vous me mandez qu’on en veut, quoique un peu fruste. Le Marc Antoine au revers de Cleopatra à 12 livres. Un de mes amis s’en est accommodé et j’ai été bien aise qu’il l’ait pris parce que j’estime pour les médailles qui ne sont pas d’une certaine conservation, à moins que ce ne fussent des têtes très rares. Vous trouverez ci-joint une lettre de change de quarante-huit livres seize sols, savoir 24 livres, 16 sols pour les douze médailles que vous avez eu la bonté de m’envoyer et 24 livres pour la Julia Paula / dont vous me parlez au revers de Concordia imperator et Paula dextras sibi porrigentes, mais je voudrais que vous eussiez la bonté d’y faire joindre sur le marché une Aquilia senor d’argent car ce prix est un peu fort. Je m’en repose sur votre prudence à cet égard et je vous serai bien obligé si vous pouviez y réussir. Cela ne doit pas vous empêcher de m’envoyer les autres médailles que vous me faites espérer et que vous trouverez à peu près semblables à celles que j’ai récrié et pour la conservation et pour le prix si elles n’étaient pas plus rares. Je viens d’acquérir un Auguste en or au reverse de Caius Lucius. Cette médaille quoique bien commune pourrait accommoder quelque antiquaire commençant qui ne l’aurait pas et je la lui donnerais pour des têtes rares en argent. Je n’ai pas pu encore arracher le Galba d’or. Il est triste d’avoir à faire à des gens qui ne sont pas au fait des médailles. Celui qui possède celle-ci s’imagine d’avoir un trésor. Il en demande avec Valens et Valentinien d’or, un médaillon potin d’Hadrien au revers de la tête de Jupiter et un médaillon d’argent fin de Ptolémée ou de quelque autre roi commun deux cents quarante livres, car il ne veut pas vendre l’une sans l’autre. J’en ai offert cent livres et je crois les bien payer. Le Galba n’est pas d’une conservation parfaite ; il peut passer cependant en faveur de sa rareté. Je ne veux pas dire par là qu’il soit fruste, comme l’Antoine au revers de Cléopâtre que vous m’avez envoyé, il s’en faut de beaucoup, car il est bien entier. Il n’y a pas lieu de craindre que personne que moi l’ait jamais, car le propriétaire m’ayant promis la préférence pour les médailles d’or de Trajan que je vous ai annoncées, le ( ?)- jamais fait d’écrire et d’attendre les réponses de celui qui les possède ; il vaut mieux que vous traitiez directement avec lui. C’est un Anglais dont on n’a pas voulu me dire le nom, qui est depuis plus d’un an à Montpellier auprès d’un jeune mylord en qualité de son gouverneur : proposez lui / des têtes rares en grand bronze et vous en aurez de beaux revers en or ; il y aussi à Montpellier une personne qui a acheté plusieurs médailles en or d’une trouvaille qu’on fit dans un champ ; elle vous en accommodera, n’étant pas antiquaire, j’en ignore aussi le nom mais la chose est certaine, et je le sais qu’il y a dans le nombre de bons revers et qu’elle en demande 50 livres pièce. Si vous avez quelque ami dans cette ville là comme je n’en doute pas, il ne vous sera pas difficile de les acquérir. Mr le Président d’Aigrefeuille les aurait achetées s’il ménageais un peu moins sa bourse. Si vous connaissez quelqu’un à Saint-Paul Trois Châteaux, ville épiscopale proche le Pont Saint-Esprit, vous pourriez vous ménager des médailles d’or au nombre d’environ vingt que possède un chanoine fort âgé. On dit aussi qu’il a une ( ?) en bronze qui est magnifique. A l’égard des deux petites médailles d’or de Valentinien Jeune et Justinien II, elles vous sont réservées et j’attends d’avoir quelque chose de mieux pour l’y joindre. Les deux petites médailles d’or de rois d’Egypte que je vous ai envoyées sont communes et l’on ne veut les vendre qu’avec l’Elagabale grec et d’autres grecques qui ne sont pas rares. Dès que j’en aurai arrêté le prix, je vous dirai de quoi il s’agit. Vous trouverez ci-joint un mémoire de l’un de mes amis de médailles de rois et de villes, avec le dessin de plusieurs médailles de villes d’argent fin. Si dans ce nombre, il y a quelque chose qui vous convienne, ayez la bonté de me mander ce que vous voudrez donner en troc en médailles consulaires d’argent et en grand bronze. Enfin, Monsieur, soyez persuadé que tout ce que j’aurai de rare en or et en médailles bronze grecques et latines sera pour vous. On m’en fait espérer du Levant et s’il plaît au Seigneur je ferai quelque bonne trouvaille. J’ai été le premier à voir et à indiquer à Mr Carri (Cary) la médaille dont il vous aura parlé sans doute de Sulpitius Varus Antoninius et comme j’étais encore novice en l’antique, je n’osai m’aventurer de l’acheter la croyant fausse. La personne qui l’a vendue m’a promis la préférence quand il en recevra d’autres (excusez l’impolitesse du manque de papier) / et croyez que c’est bien sincèrement que j’ai l’honneur d’être, Monsieur, votre très humble et obéissant serviteur. Fr. G. Revest assistant provincial des Minimes. A Marseille le 11 juillet 1731. PS : Je vois sur le dos de votre lettre chargé 1livre 3. Expliquez moi ce que c’est. Avez-vous donné quelque chose pour le port. Je l’ai cependant payé 4 2/3. S’il y a encore quelque chose à vous rembourser, ayez la bonté de me le dire. PS bis : S’il vous vient des légions en argent de Marc Antoine, savoir la 1, la 14, la 17, la 23, la 24, vous me feriez plaisir de les prendre. Elles sont pour l’un de mes amis à qui il ne manque que celles-là » (Paris, BnF, Manuscrits, français 15185, f° 226r-228).