Antoine Galland - Claude Génébrier - 1698-12-24

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Antoine Galland, Caen

Antoine Galland - Claude Génébrier - 1698-12-24
FINA IDUnique ID of the page  5669
InstitutionName of Institution.
InventoryInventory number.
AuthorAuthor of the document. Antoine Galland
RecipientRecipient of the correspondence. Claude Génébrier
Correspondence dateDate when the correspondence was written: day - month - year . December 24, 1698
PlacePlace of publication of the book, composition of the document or institution. Caen 49° 10' 58.08" N, 0° 22' 8.69" W
Associated personsNames of Persons who are mentioned in the annotation. Charles-César Baudelot de Dairval
LiteratureReference to literature. Abdel-Halim 1964, p. 243, n° XCIII1
KeywordNumismatic Keywords  Egypt , Ptolemies , Greek , Gems , Ptolemy Xii Auletes
LanguageLanguage of the correspondence French
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Grand documentOriginal passage from the "Grand document".

-Lettre du 24 déc. 1698 (de Caen) : « Le 24 décembre 1698, Monsieur [manque dans Denis], Je n'examine pas si la médaille que notre ami met en comparaison avec l'améthyste du cabinet de S.A.R. Madame, représente la tête de Ptolémée Aulètes. Je veux croire qu'elle le représente. Il s'agit de savoir si cette tête est ressemblante à celle qui est représentée sur l'améthyste. Pour vous en dire mon sentiment quant cette médaille me serait venue en la pensée, lorsque je m'expliquai en général il y a plus d'un an sur le défi qu'il venait de faire aux curieux de déclarer à quel prince ils croyaient que la tête, dont il venait de donner la gravure, ressemblât, je vous avoue que j'aurais été bien éloigné d'y trouver la ressemblance qu'il y trouve puisqu'ayant enfin déclaré lui-même son sentiment et qu'ayant posé les deux têtes l'une près de l'autre, je ne la trouve nullement. Je n'appelle pas ressemblance, une couronne égale, ni un visage également sans barbe dans l'une et dans l'autre tête. C'est par les traits uniformes de l'une et de l'autre qu'elle doit s'établir et quelque peine que le graveur se soit donnée pour les rendre tels, elles ne semblent pas assez ressemblantes, pour dire qu'en voyant l'une des deux l'on voit l'autre et que l'on soit convaincu de la ressemblance parfaite en les conférant [comparant] ensemble. Nonobstant mon incrédulité, je vous assure néanmoins que je ne suis pas du nombre de ceux qui n'aiment pas à souscrire aux découvertes des autres ou qui jugent de toutes choses avec chagrin, suivant le langage de notre ami. Pour marque de cela, c'est que je souhaite de tout mon cœur d'être le seul qui puisse se plaindre d'avoir de si mauvais yeux afin qu'il jouisse de la gloire de sa découverte si entière qu'il puisse me reprocher d'avoir abandonné en lui un ami, lorsque tout le monde le louera de sa sagacité et de sa pénétration. Je serai de bonne foi et je le congratulerai volontiers du bon sens qu'il aura eu, quoique contre mon opinion. Mais, supposons que l'améthyste représente Ptolémée Aulètes, pourrait-on croire, à cause qu'il a la tête couverte d'un voile, qu'il y est représenté en joueur de flute. Notre ami prouve assez bien que les fluteurs s'accommodaient la bouche avec une muselière. Cela doit pourtant se restreindre à quelques uns plus délicats que les autres et plus curieux de conserver la juste proportion de leurs joues : car les médailles, les pierres gravées et les marbres antiques nous représentent un grand nombre de fluteurs et de fluteuses qui ont négligé cette précaution. Mais, il ne prouve pas le voile avec la même netteté et il reconnaît lui-même l'équivoque du qui se prend aussi pour une muselière. De la manière dont ce voile est représenté sur l'améthyste, il peut remarquer avec tout le monde, qu'il ne fait nullement l'effet pour lequel il reconnait qu'il a été inventé qui est de cacher la difformité du visage puisqu'il n'empêche pas ici qu'il ne soit vu. Ce visage peut véritablement être vu, et même avec plaisir, puisqu'aucune grimace ne le rend difforme. Pour cacher la difformité du visage, au lieu d'être transparent comme il l'est, le voile devrait être épais et le cacher véritablement de manière qu'on ne le vît pas. Mais, en cet état, il me semble que personne, sans autre marque, ne s'aviserait jamais de le prendre pour un fluteur. On le prendrait plutôt, le visage ainsi caché, pour un affligé qui voudrait marquer davantage la grandeur de sa douleur. Avec ce voile, bien étoffé, il faudrait encore que la bouche parût emmuselée pour me servir du mot de notre ami. Car, je suis persuadé que le voile transparent, comme il parait sur l'améthyste, n'est pas le voile d'un fluteur, tel qu'on nous le décrit. Si jamais l'on ne s'était couvert la tête d'un voile chez les Anciens que pour jouer de la flute, il n'y a pas de difficulté que toute <figure>* voilée dans les monuments antiques devrait être prise pour la tête d'un fluteur ou d'une fluteuse. Mais, c'est que personne n'accorderait à notre ami et je ne crois pas qu'il le prétendît lui-même. C'est pour cela que je me garderait bien de prendre cette belle tête de femme avec le voile tirée d'après une sardoine pour celle d'une fluteuse. À propos de cette fluteuse, je serais curieux de savoir quelle raison notre ami a eue de lui donner le nom de Lamia, de même qu'à l'autre tête de femme qu'il produit d'après une pierre gravée du cabinet de S.A.R. Madame. N'est-ce pas pour grossir son ouvrage de l'histoire de cette femme et de Démétrius dont il ne s'agirait pas ? Sur quel fondement lui a-t-il plu de la baptiser ainsi ? Est-ce à cause que Lamia était belle et que la tête représentée sur cette pierre est belle ? Il y a une infinité d'autres pierres gravées qui représentent des têtes de femme d'une beauté merveilleuse, peut on dire pour cela qu'elles représentent Lamia. Notre ami me permettra de dire qu'il s'est donné trop de liberté dans ses conjectures et qu'en voulant nous expliquer tout, il ne nous explique rien. N'êtes-vous pas avec moi de ce sentiment, après son explication selon lui des trois point mystérieux gravés vis-à-vis de l'estomac de son prétendu fluteur, voulant qu'ils signifient non seulement les trois principales parties de la musique, mais encore les trois modes anciens et uniformes des instruments. Je parcourus, car il n'y a pas moyen de lire avec attention une matière si sèche et si ennuyeuse, je parcourus, dis-je, tout ce qu'il dit de la musique ancienne à cette occasion et lorsque j'arrivai à l'endroit de cette explication, à laquelle je ne m'attendais pas, j'en fus si surpris que je ne pus m'empêcher de m'écrier : je m'estime heureux de n'avoir pas assez d'esprit pour arriver à un tel point de raffinement et je ne porte point d'envie à notre ami de l'avoir si pénétrant jusques dans ces minuties; après cela, ajoutais-je, il n'y a plus rien qui ne puisse s'expliquer. Il n'est pas nécessaire de relever la fausseté de cette explication qui est une vision toute pure. Mais quoique ce soit véritablement une vision, je suis néanmoins persuadé que c'est un endroit dont notre ami, de l'humeur dont il est, s'applaudit d'avoir mieux rencontré que dans aucun autre de tout son ouvrage. C'était pour venir à cette explication ingénieuse et réservée à lui seul qu'il avait pris grand soin d'avertir qu'il donnerait l'explication de la moindre circonstance représentée sur l'améthyste : cela, sans doute, valait bien la peine de prévenir le lecteur pour lui donner un avant-goût de la satisfaction extrême que lui donnerai une subtilité si peu commune. Il faut pourtant reconnaître à la louange de notre ami qu'il nous donne beaucoup de choses curieuses et recherchées quoi qu'avec confusion ; mais pour son honneur j'aurais souhaité qu'il se fut attaché uniquement à traiter sa matière sans la perdre de vue et qu'il ne se fut pas détourné pour corriger le texte de quelques auteurs latins et grecs qu'il n'a pas entendus parce que ses corrections ne donnent pas une grande idée de son habileté dans la critique. Comme il a un grand soin d'appuyer d'autorités tout ce qu'il avance, afin de faire voir qu'il a une grande lecture de tous les bons auteurs ; pour faire voir que personne n'était exempt de la raillerie des Alexandrins, il en rapporte un exemple par lequel il prétend qu'ils appelaient les gouverneurs des provinces éloignées sitientes, des altérés pour ainsi dire et il cite un passage de Pline pour le prouver. C'est à la page 28 : mais Pline dit toute autre chose comme nous l'allons voir. Voici le passage. Sinus insulis refertus (notre ami ne rapporte point ces mots qui sont nécessaires) ex iis quae Mareu vocantur, aquosae : quae Eratonos, sitientes. Regnum ii [his] praefecti fuere [Pline, HN, VI, XXXIV (169)] ; c'est-à-dire : il y a un golfe rempli ou parsemé d'îles dont celles qu'on appelle les îles de Mareus ont beaucoup d'eau et celles que l'on nomme les îles d'Ératon n'en ont point. Ces personnages, à savoir Mareus et Ératon, étaient des gouverneurs du temps des Rois. C'est le véritable sens de Pline qui fait la description d'un golfe de la Mer Rouge et qui, comme vous le voyez, n'entend parler d'aucune raillerie. Sitientes ne se rapporte point a praefecti mais aux îles dont le passage fait mention. Notre ami qui, par la trop grande vivacité de son esprit, n'a pas compris que les gouverneurs dont parle le passage y fussent nommés, a imaginé deux corrections aussi fausses l'une que l'autre et qui rendent le sens confus d'une manière qu'il n'y a que lui qui puisse l'entendre, à savoir en séparent nos d'avec Erato et en lisant ibi pour ii. Il devait considérer que Mareu est écrit en latin pour et Eratonos pour . La rapidité de son imagination qui le porte à favoriser ses premières pensées, le fait tomber dans ces sortes de bévues. La correction d'un autre passage du même auteur, au même livre, ch. 30, et non pas 70 que je prends pour une faute d'impression, n'est pas plus heureuse. Il y ôte usus ignium pour y suppléer usus ungium [HN, VI, XXXV (30)]. Je suis fâché d'être ici contraint de dire à notre ami que la démangeaison de critiquer ne devait pas le porter à faire dire une extravagance à Pline qui paraît partout de si bon sens. En effet, est-il possible de s'imaginer que ces peuples qui avaient eu des ongles de tous temps aient ignoré jusques à Ptolémée Lathurus qu'ils pouvaient s'en servir pour se gratter et pour égratigner, car c'est à quoi l'usage des ongles est utile ? Est-il difficile de comprendre que dans l'Éthiopie dont parle Pline, où il fait si chaud, des peuples aient pu vivre sans l'usage du feu ? Laissons de croire qu'ils furent jusques alors assez grossiers pour ne savoir pas faire ce que les singes font si naturellement. Votre rhétorique ne serait peut-être point capable de lui persuader le contraire. Portarent pour portarem et Neapolitani pour Neapoli, p. 152 [Galland renvoie aux pages de l'imprimé et donc Genébrier lui a adressé non pas le manuscrit mais le livre], dans le passage de la lettre de Cicéron [Epistolae ad Quintum fratrem, II, 10, de mai 55 a.C., lettre 121 de l'édition Nisard, chez Didot, vol. V, 1864; 12 (II, 9), 2, datée de juin 56, éd. Loeb] ne sont pas mieux imaginés. Cicéron veut dire qu'il menait Ptolémée de Naples à Baïes [en fait Cicéron conduit Anicius de Naples à Baies, avec une escorte de cent hommes armés, dans une litière à huit porteurs, mais pas celle offerte par Ptolémée à Anicius, mais l'erreur vient en partie de Baudelot qui n'a rien compris au passage qu'il veut corriger, confondant dans sa traduction Anicius, correctement désigné p. 151 comme un ami de Cicéron, avec Ptolémée, p. 152]. Ainsi ces corrections ne redressent pas le passage, elles le corrompent. Parlons présentement des corrections grecques que vous ne trouverez pas plus recevables que les latines. Nonobstant le changement que l'on nous fait de , un des surnoms de Ptolémée Aulètes, en , je m'en tiendrai à [p. 254 de Baudelot] qui est un beau nom et qui signifie « Désirable ». Notre ami est trop prévenu en faveur du dont il ne peut cesser de parler [pp. 254-257] pour ne pas soupçonner qu'il lui fait plus d'honneur qu'il ne lui en appartient. P[age] 283, le changement de en dans les deux vers grecs rapportés par Plutarque pour faire signifier des bandages au mot d' [armes] n'est pas supportable. Minerve voulant jouer de la flute avait quitté sa lance et son bouclier, et peut-être son casque, ses armes ordinaires, et sur cela le satyre lui dit : « Cet air de fluteuse ne vous convient pas, quittez vos flutes pour reprendre vos armes et laissez nous voir vos joues avec leurs agréments ordinaires ». L'explication de notre ami est forcée et accommodée à son sens particulier et non pas au sens naturel de ces vers. Quoiqu'il veuille dire, le mot d' en cet endroit-là signifie la lance, le bouclier et le casque de Minerve et non pas des bandages de fluteurs et de fluteuses [Plutarque, De cohibenda ira, Mor. 456 B]. Pages [sic ed.] 294, le mot de changé en doit demeurer en sa place mais à l'ablatif, en cette manière [avec iota souscrit] : il se rapporte à , pour signifier : « il retint par force ». Le mot , qui signifie à double son, des vers de Nonnus [Nonnos de Panopolis, Dionysiaques, X, 225, voir p. 362 de Baudelot; le mot comme souvent chez Nonnos est un hapax, pour le sens de « double son », voir LSJ, s.v.] qu'il a plu à notre ami de changer en , sans aucun fondement, doit aussi demeurer à sa place. Il m'avait parlé de ce changement et j'avais pris la liberté de lui dire qu'il ne fallait pas se hasarder de corriger les auteurs si librement à moins que d'être fondé sur de bons manuscrits authentiques ; que le mot est un mot grec fort bon et convenable à l'endroit où il était employé et que la raison qu'il m'apportait, la même qu'il a insérée dans son ouvrage, n'était pas recevable ; mais l'événement fait voir de quelle manière mon avis fut reçu. Le passage était destiné à l'usage auquel il a servi : il n'y avait pas moyen de le déranger pour le placer ailleurs et il ne fallait pas que la peine d'avoir feuilleté Nonnus fut perdue. Je laisse là quelques autres corrections inutiles pour remarquer des fautes qui viennent de la connaissance imparfaite de la langue grecque. Dans le passage que je viens de marquer qu'il faut laisser le mot de , ceux-ci t [Plut, Mor., 456 C] ne signifie pas la rudesse mais l'impétuosité du souffle. [e.g. p. 303], qui signifie « le cou », signifie chez notre ami, fort mal à propos en différents endroits le nez et la tête. Il n'a pas su que le mot a signifié le cou avant que de signifier l'isthme de Corinthe qui est un « col de terre » et non pas une « langue » comme il l'explique. Ainsi, qui vient du même mot signifie un ornement du cou, c'est-à-dire un collier. C'est pour cela qu'il fait sans raison une longue digression pour prouver faussement que ce dernier mot, employée dans l'Odyssée d'Homère [pp. 342-347], a du rapport avec les jeux isthmiens quoique ces jeux ne fussent pas établis du temps d'Homère, prétendant qu'il a été inséré depuis ce poète. Tout ce qu'il dit là-dessus n'est qu'une fable de son invention et le mot n'est pas une coiffure ni un ornement qui couronne la tête, c'est un collier [sur et ainsi que sur les mots de cette famille, voir Chantraine, DELG, pp. 469-470] de même que qu'il n'a pas entendu. Cette faute lui en a fait faire plusieurs autres. Les Fricasseuses d'Aristophane citées en gros caractères [p. 349] ne sont pas des fricasseuses, ce sont des fricasseurs [Les Rôtisseurs, ]. Il devait consulter la grammaire grecque sur la signification des mots terminés en -. Lui qui aime si fort les proverbes et qui ne saurait s'empêcher d'en citer souvent n'a pas entendu celui-ci : qui se trouve p. 357. Ce n'est pas comme il l'explique enfler un roseau. C'est inflare rete, « enfler des filets », pour dire « prendre de la peine et travailler inutilement ». J'aurais à dire beaucoup d'autres choses et particulièrement touchant les médailles qu'il explique : mais comme cela demande une discussion trop longue, vous voudrez bien me dispenser de passer plus outre. Je me suis seulement attaché à ce peu de remarques pour vous dire mon sentiment sur l'Histoire de Ptolémée Aulètes, comme vous me l'avez demandé, afin de vous les indiquer comme celle qui feront un tort considérable à la réputation de notre ami auprès de tous les savants qui se font un mérite de bien entendre les auteurs latins et grecs et qui se piquent de savoir la langue grecque dans la perfection, sachant qu'il faut bien posséder ces connaissances pour avoir l'entrée dans la belle littérature. Je ne l'ai point fait par un esprit de malignité, mais parce que je suis véritablement touché du peu d'estime que cela lui attirera de la part de ceux qui en peuvent juger. Je suis parfaitement, Monsieur, votre etc. » (Correspondance de Caen ; Abdel Halim, p. 243, n° XCIII – transcription complète de Guy Meyer).

RemarksRemarks regarding the annotation. (fr)
(fr)

References

  1. ^  Abdel-Halim, M. (1964), Antoine Galland, sa vie et son œuvre, Paris.